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« Mes drives allaient n'importe où » : Agatha Christie et le golf, la passion contrariée qui a inspiré ses romans à succès
« Mes drives allaient n'importe où » : Agatha Christie et le golf, la passion contrariée qui a inspiré ses romans à succès

L'Équipe

time10-08-2025

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« Mes drives allaient n'importe où » : Agatha Christie et le golf, la passion contrariée qui a inspiré ses romans à succès

Sous la plume de la romancière anglaise Agatha Christie, golfeurs, greens et clubs sont omniprésents dans les enquêtes d'Hercule Poirot, de Miss Marple et de leurs collègues. Mais aussi dans sa propre vie privée. Un vrai pionnier. En août 1927, dix-huit ans avant le lancement de la Série Noire par Gallimard, Albert Pigasse crée, en France, une collection de romans policiers, Le Masque. Pour sa première publication, il choisit l'ouvrage d'une Britannique, Agatha Christie (1890-1976), au succès grandissant, Le Meurtre de Roger Ackroyd. Dans cette enquête menée par un héros récurrent de Christie, le détective belge à la retraite Hercule Poirot, un des personnages, le secrétaire particulier du malheureux Ackroyd, « joue au golf ». Un détail qui ne fait pas forcément de lui le coupable... Ce n'est pas la seule apparition d'un amateur des greens chez celle qui, selon le Guinness Book, aurait vendu au moins deux milliards d'exemplaires d'une oeuvre comprenant 66 « detective novels », 14 recueils de nouvelles et une petite dizaine de pièces, le tout adapté et réadapté en permanence au théâtre, au cinéma ou à la télévision. Meurtres commis sur des parcours, clubs utilisés comme armes létales, joueurs suspects... Agatha Christie connaît bien le golf pour avoir pratiqué elle-même et épousé un golfeur frénétique. À ses dépens... Fers désastreux et putting irrégulier Fille d'un rentier d'origine américaine (« un gentleman aisé, il n'a jamais mis la main à l'ouvrage », confiera-t-elle au Sunday Telegraph), Agatha Mary Clarissa Miller fréquente, dans sa jeunesse, les Lucy. Le fils aîné, Reggie, commandant dans l'artillerie et golfeur amateur, devient son fiancé. « Reggie proposa alors de me donner des leçons de golf, écrit-elle dans Une autobiographie (éd. Le Masque, 2002). Je ne savais pratiquement pas jouer à l'époque. (...) À mon grand regret, je n'étais pas douée pour les sports. Le plus irritant, c'est que j'étais toujours prometteuse au début : au tir à l'arc, au billard, au golf, au tennis, au croquet, j'avais montré des dispositions, mais restées sans suite et qui devenaient autant de sources d'humiliation. » L'autrice du Crime de l'Orient-Express (1934) poursuit : « Je possédais bien la théorie du jeu, mais je ratais systématiquement des coups ridiculement faciles. Au tennis, j'avais un bon coup droit qui impressionnait parfois mes adversaires, mais un revers calamiteux. (...) Au golf, mes drives allaient n'importe où, je jouais les fers de façon désastreuse, j'avais de belles approches et un putting complètement irrégulier. » Selon ses dires, Reggie est un professeur « fort patient », mais aussi un fiancé trop patient. Agatha Miller va bien se marier, mais avec un autre golfeur. « Agatha Christie est restée une joueuse médiocre, tandis que son époux progresse rapidement, au point de ne plus avoir envie de jouer avec elle » Marie-Hélène Baylac, autrice d'« Agatha Christie, les mystères d'une vie » Surnommé « Archie », Archibald Christie rencontre Agatha Miller lors d'un bal organisé par Lord et Lady Clifford, en 1912. « Agatha est frappée par l'aplomb de ce grand garçon, aux cheveux blonds frisés et aux yeux d'un bleu intense », assure Marie-Hélène Baylac dans Agatha Christie, les mystères d'une vie (éd. Perrin, 2019). Alors qu'Archie est engagé dans le Royal Flying Corps, ils se marient au début de la Première Guerre mondiale, le 24 décembre 1914. Adieu Miss Miller, dorénavant, il faut l'appeler Agatha Christie. Après la guerre, et la naissance de leur fille, Rosalind, en 1919, les Christie jouent beaucoup au golf. Une pratique ancienne pour Agatha, une passion récente pour l'ancien aviateur passé dans la finance. « Au début, elle a ressorti ses clubs, tenté de se remémorer les leçons que lui donnait Reggie, rapporte Marie-Hélène Baylac. Mais elle est restée une joueuse médiocre, tandis que son époux progresse rapidement, au point de ne plus avoir envie de jouer avec elle. » Les footballeurs ont-ils vraiment abandonné les livres ? Archie Christie réussit ainsi à se faire coopter dans le prestigieux club de Sunningdale, à l'ouest de Londres. « Ce choix dans nos loisirs allait finir par changer radicalement le cours de notre existence, regrettera la romancière dans ses souvenirs. Mon mari ne pensait qu'au golf. (...) Il n'éprouvait aucun plaisir à jouer avec une novice comme moi, si bien que petit à petit, mais sans m'en apercevoir encore, je devenais ce personnage bien connu : une "veuve de golf ". » « Son mari partait jouer le week-end et elle, elle restait seule à la maison, détaille Marie-Hélène Baylac. Bon, elle avait de quoi s'occuper. Elle était avec sa machine à écrire quand lui jouait avec ses clubs de golf... » En effet, en 1920, elle publie un premier roman, La Mystérieuse Affaire de Styles, avec comme enquêteur, un détective belge à la retraite aux « petites cellules grises » particulièrement efficaces : Hercule Poirot. Un mariage brisé par le golf Une romancière est née, un mariage se meurt. L'éloignement causé par les innombrables parties de golf d'Archie devient fatal au couple. En 1925, il fait la rencontre de Nancy Neele, « une jeune femme de dix ans de moins qu'Agatha, brune, le visage empreint de douceur », selon Marie-Hélène Baylac. Et en plus, bien meilleure golfeuse qu'Agatha... Les Christie divorceront en avril 1928. Trois semaines plus tard, Archie épousera Nancy. Agatha, elle, se remariera en 1930 avec un archéologue plus jeune qu'elle de treize ans, Max Mallowan. Si elle continue jusqu'à sa mort, en 1976, de signer ses livres du nom de son premier mari, le golf, en revanche, c'est fini. « À partir du moment où elle a rompu avec Archie, elle n'a plus joué du tout », indique Marie-Hélène Baylac. Faut-il créer un prix unique de littérature sportive ? Le golf quitte alors la vie privée d'Agatha Christie. Mais reste très présent dans au moins une douzaine de ses livres. En 1923, son troisième roman, le deuxième où intervient Poirot, s'appelait déjà Le Crime du golf. Un corps est retrouvé au bord d'un parcours en construction, en France, dans la ville fictive de Merlinville-sur-Mer, entre Boulogne et Calais. Mais ce livre, « légèrement moins dans la lignée des Sherlock Holmes et davantage inspiré, me semble-t-il, du Mystère de la chambre jaune » selon l'autrice elle-même, ne se sert du golf que comme un élément de décor, sans plus. En revanche, Christie en profite pour décrire son tout récent héros : « Un mètre soixante, une tête en forme d'oeuf légèrement penchée de côté, des yeux brillant d'un éclat vert quand il est en proie à l'émotion, une moustache de style militaire et un air de parfaite dignité. » Poirot n'est pas vraiment un hercule... Et à la différence de son acolyte, le capitaine Hastings, dans l'adaptation télévisée du livre, en 1996 (avec David Suchet dans son rôle), le Belge ne joue pas au golf. Un personnage assassiné à coups de club Cela ne l'empêche pas d'enquêter autour des club-houses. Après Le Crime du golf et Le Meurtre de Roger Ackroyd, le golf est encore au coeur de Feux d'artifice (1937). Comme Agatha Christie elle-même, la colocataire de la victime joue à Wentworth, près de Sunningdale. Et les propres clubs de la victime seront au centre du dénouement de l'intrigue... Il est encore question de Sunningdale, le club d'Archie Christie, dans une nouvelle intitulée justement Le Mystère de Sunningdale (1928). Cette fois, l'enquêteur n'est pas Hercule Poirot mais le couple Beresford, rendu populaire en France dans les adaptations cinématographiques de Pascal Thomas (Mon petit doigt m'a dit, Le Crime est notre affaire, Associés contre le crime...) avec Catherine Frot et André Dussollier. Dans Une poignée de seigle (1953), une enquête de Miss Marple cette fois, un suspect est l'amant et le partenaire au golf d'une des trois victimes. Toujours avec Miss Marple, il est encore question de golf dans Le Train de 16 h 50 (1957). Dans Pourquoi pas Evans ? (1934), un des enquêteurs s'appelle Bobby Jones, comme le champion américain auteur, en 1930, du Grand Chelem (à l'époque, British et US Open pro, British et US Open amateurs). Le Bobby Jones du roman est aussi golfeur, mais bien moins bon que son homonyme. En revanche, dans L'Heure Zéro (1944), le principal suspect, Nevile Strange (Guillaume Neuville alias Melvil Poupaud dans l'adaptation ciné de Pascal Thomas en 2007), est un champion de tennis. Mais un de ses clubs de golf, retrouvé avec ses empreintes, aurait servi à défoncer le crâne de sa tante. Chez Agatha Christie, le golf est un sport dangereux.

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